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LIVRE I, CHAP. XII

ciels les invocations à Vesta et aux Pénates ; dans les prières de la famille celles adressées aux dieux des bois et des champs, aux Sylvains ; et avant tous, aux dieux propres du foyer, les Lases ou Lares, qui ont leur part dans les repas de la famille ; et à qui jusque dans les temps de Caton l’Ancien, le maître, quand il rentre chez lui, adresse d’abord ses dévotions[1]. Et pourtant dans l’ordre des dignités divines les génies champêtres ou domestiques n’occupent guère que la dernière place. Pouvait-il en être autrement, sous l’empire d’une religion se dépouillant de tout idéal ! La piété des fidèles n’allait pas chercher sa nourriture dans les abstractions lointaines et générales ; elle s’agenouillait au contraire devant les notions les plus simples, les plus individuelles.

Pareillement, les tendances de la religion romaine sont pratiques et utilitaires, et vont de pair avec le rejet du principe idéaliste. Après les dieux du foyer et des bois, les Latins, et avec eux, les nations Sabelliques, ont en grande vénération Herculus ou Hercules, le Dieu de la métairie cultivée sans trouble (de hercere), qui ensuite devient le Dieu de la richesse et du gain. Rien de plus ordinaire que de voir le Romain offrir la dîme de son avoir sur l’autel principal (ara maxima) du Dieu, au marché aux bœufs (forum boarium). Il lui demande d’éloigner les pertes qui le menacent, ou de faire prospérer ses gains. Comme c’est aussi là qu’il a coutume de conduire ses contrats, et de les confirmer sous serment, l’Hercule bientôt ne fait plus qu’un avec le Dieu de la bonne foi (Deus Fidius). Le hasard ne fut pour rien dans le culte de la divinité protectrice du négoce : on l’honorait, dit un ancien, dans tous les bourgs de l’Italie : ses

  1. [Les Lases sont invoqués dans le chant des frères Arvales, le plus ancien monument connu de la langue romaine. On le trouvera reproduit, plus bas, chap. XV.]