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DROIT ET JUSTICE

entière. L’étranger, au contraire, s’il ne s’est pas rangé sous le patronage d’un citoyen, s’il n’est pas son client, n’a aucun droit à revendiquer ; il vit hors la loi, lui et son avoir. Quand le citoyen romain lui enlève sa chose, c’est comme s’il avait ramassé une coquille sans maître sur le bord de la mer. En fait, le Romain peut aussi acquérir et posséder un immeuble au delà de la frontière, mais il n’en est point juridiquement propriétaire, nul ne pouvant, si ce n’est la cité elle-même, agrandir le territoire romain. Les choses, en cas de guerre, se passent autrement : tout ce que gagne le soldat qui combat à l’armée, meuble ou immeuble, revient, non à lui, mais à l’État ; et ici encore, il appartient à l’État de décider si la frontière sera ou non portée en avant.

L’exclusion des étrangers comporte d’ailleurs des exceptions : des traités spéciaux peuvent assurer dans Rome certains droits aux membres des autres cités. Ainsi, par leur traité d’alliance éternelle avec le Latium, les Romains avaient donné force de droit à toutes les conventions privées entre Romain et Latin. Ils avaient organisé même une sorte de procédure rapide, devant les « récupérateurs » assermentés (reciperatores), qui, siégeant toujours en nombre impair et multiple, à l’encontre de l’usage qui dans le droit civil pur, attribue à un juge unique la connaissance des causes, composaient sans doute une juridiction mi-partie, avec ses juges choisis dans l’un et l’autre peuple, ayant son président, et statuant comme une sorte de tribunal de commerce ou de tribunal forain. Ils disaient la sentence sur le lieu même où le contrat s’était conclu ; et cela, dans les dix jours, au plus tard. Les formes des actes entre Romains et Latins étaient d’ailleurs celles généralement usitées, même entre patriciens et plébéiens. On se tromperait en effet, si l’on allait chercher dans la mancipation et le nexum des formalités rigoureuses et spéciales : l’on n’y