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LES HELLÈNES, L’EMPIRE DES MERS

les poëtes de l’Orient pouvaient, sans craindre un démenti, remplir de leurs inventions faites à plaisir les espaces vides de l’Ouest, comme en d’autres temps les Occidentaux en ont rempli l’Orient à leur tour. Viennent ensuite les poésies hésiodiques ; là, l’Italie et la Sicile commencent à apparaître. On y lit les noms de quelques peuples, de quelques montagnes et de quelques villes ; mais l’Italie n’est encore pour le poëte qu’un groupe d’îles. Plus tard, les connaissances se sont accrues, et les écrivains d’alors parlent de la Sicile et de toutes les échelles italiennes en des termes généralement exacts. Nous suivons donc assez bien les étapes successives de la colonisation. Au temps de Thucydide, Cymé passait pour la plus ancienne colonie qui ait mérité ce nom : et Thucydide ne se trompe pas, en se rangeant à l’opinion commune. Certes les navigateurs auraient pu aborder en maints lieux plus proches ; mais ils y trouvaient les tempêtes ou les Barbares ; et l’île d’Ischia[1], où Cymé fut fondée d’abord, leur offrait un sûr abri, ce qui n’était point une considération sans importance ; car, quand la ville fut plus tard transportée sur la terre ferme, on choisit aussi pour son nouvel emplacement, le rocher escarpé, mais bien défendu, qui porte encore de nos jours le nom vénérable de la métropole asiatique [Cuma, Cumes]. En nul endroit de l’Italie, autant que dans les alentours de Cumes, ne se sont localisés en traits vivaces et ineffaçables les détails de noms et de lieux dont fourmillent les contes venus de l’Asie Mineure. Là, l’esprit tout rempli des merveilles que la légende plaçait dans l’Ouest, les premiers arrivants parmi les Grecs foulèrent pour la première fois le sol du pays de la Fable ; là les rochers des Sirènes, le lac d’Aornos [l’Averne], entrée des Enfers, sont demeurés comme les restes de

  1. [Ænaria et Pythœusa, autrefois.]