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RÉFORME DE LA CONSTITUTION

décrétée la constitution nouvelle. La tradition confirme d’ailleurs la donnée géométrique. En quel rapport de nombre les patriciens et les plébéiens entraient-ils dans les cadres militaires ? Nous ne le pouvons dire. Même pour la cavalerie, nous l’ignorons. Pour les six premières centuries, on n’y comptait, il est vrai, aucun plébéien ; mais rien n’empêchait les patriciens de servir dans les autres.

Somme toute, les institutions de Servius ne sont pas sorties d’une lutte des classes : elles portent plutôt le cachet d’un législateur agissant dans son initiative réformatrice, comme l’ont fait Lycurgue, Solon, Zaleucus. D’une autre part, elle semble inspirée par l’influence grecque. Laissons de côté certaines analogies facilement trompeuses, celle, par exemple, déjà constatée par les anciens eux-mêmes, de la fourniture du cheval du cavalier aux frais des veuves et des mineurs, que l’on retrouve aussi à Corinthe. Mais, chose plus grave, les armes, la formation légionnaire, sont copiées manifestement sur le système des hoplites grecs. Ce n’est point là un fait dû au hasard. Rappelons-nous que, pendant le second siècle de Rome, les États grecs de l’Italie méridionale modifièrent de même leurs constitutions basées jadis sur l’influence pure des familles ; et que chez eux aussi le pouvoir passa dans les mains des possesseurs des terres[1]. Or, voilà bien le mouvement qui se propagea jusque dans Rome, et y amena la réforme dite de

  1. Il convient de noter une autre analogie. La constitution servienne rappelle singulièrement le régime sous l’empire duquel vivaient les métœques de l’Attique. Athènes a fait de bonne heure comme la cité romaine. Elle a ouvert ses portes aux simples domiciliés, puis les a fait contribuer aux charges publiques. Que si l’on ne veut point admettre l’existence de certaines relations plus ou moins directes entre les deux villes, encore faudra-t-il reconnaître combien les mêmes causes, — la centralisation et les progrès de la cité, — amènent partout et toujours, les mêmes résultats politiques.