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LIVRE I, CHAP. V

comme il est Romain lui-même, et ne peut être asservi à un concitoyen, il tient seulement lieu d’esclave à son acquéreur. On le voit donc, la puissance paternelle et conjugale du père de famille est absolue. La loi ne la limite point. La religion parfois a pu maudire ses excès : de même que le droit d’exposition a été restreint (p.81), de même le père est excommunié quand il vend sa femme ou son fils marié. Enfin, la loi voulut encore que, dans l’exercice de son pouvoir de justice domestique, le père et surtout le mari ne pussent prononcer sur le sort des enfants et de la femme, sans avoir auparavant convoqué leurs proches, et au second cas, les proches aussi de la femme. Toutefois leur puissance n’était point pour cela amoindrie. Aux dieux seuls, et non à la justice humaine, appartenait l’exécution de la sentence d’excommunication qu’ils auraient pu encourir ; et les agnats, appelés par lui au jugement domestique, ne faisaient que donner leur avis ; ils ne jugeaient pas. De même qu’elle est immense et irresponsable devant les hommes, de même la puissance du père de famille est immuable et inattaquable tant qu’il n’a pas cessé de vivre. Dans le droit grec, dans le droit germanique, dès que le fils est adulte, dès que sa force physique lui a donné l’indépendance, la loi lui donne aussi la liberté. Chez les Romains, au contraire, ni l’âge du père, ni les infirmités mentales, ni même sa volonté, expresse, ne peuvent affranchir sa famille. La fille seule sort de sa dépendance, quand elle passe par les justes noces sous la main de son mari ; elle quitte alors la famille et les pénates paternels, pour entrer, dans la famille de celui-ci, sous la protection de ses dieux domestiques ; elle lui devient assujettie comme auparavant elle l’était à son père. La loi permet plus facilement l’affranchissement de l’esclave que celui du fils. De bonne heure, celui-là a été libéré, au moyen des formalités les plus simples. L’émancipation de celui-ci,