Page:Molière - Théâtre complet, 1922, tome01.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sans prendre jamais garde à ce qu’on vous servait,
Vous n’aviez point de soif qu’alors qu’elle buvait ;
Et dans ses propres mains vous saisissant du verre,
Sans le vouloir rincer, sans rien jeter à terre,
Vous buviez sur son reste, et montriez d’affecter
Le côté qu’à sa bouche elle avait su porter.
Sur les morceaux touchés de sa main délicate,
Ou mordus de ses dents, vous étendiez la patte
Plus brusquement qu’un chat dessus une souris,
Et les avaliez tous ainsi que des pois gris.
Puis, outre tout cela, vous faisiez sous la table
Un bruit, un triquetrac de pieds insupportable,
Dont Trufaldin, heurté de deux coups trop pressants,
A puni par deux fois deux chiens très innocents,
Qui, s’ils eussent osé, vous eussent fait querelle.
Et puis après cela votre conduite est belle ?
Pour moi, j’en ai souffert la gêne sur mon corps ;
Malgré le froid, je sue encor de mes efforts ;
Attaché dessus vous comme un joueur de boule
Après le mouvement de la sienne qui roule,
Je pensais retenir toutes vos actions,
En faisant de mon corps mille contorsions.

LÉLIE

Mon Dieu ! qu’il t’est aisé de condamner des choses
Dont tu ne ressens point les agréables causes !
Je veux bien néanmoins, pour te plaire une fois,
Faire force à l’amour qui m’impose des lois :
Désormais…