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béline.

Ahi !

argan.

Oui, madame ma femme, c’est ainsi que vous m’aimez ?

toinette.

Ah ! ah ! le défunt n’est pas mort.

argan, à Béline, qui sort.

Je suis bien aise de voir votre amitié, et d’avoir entendu le beau panégyrique que vous avez fait de moi. Voilà un avis au lecteur, qui me rendra sage à l’avenir, et qui m’empêchera de faire bien des choses[1].


Scène XIX.

BÉRALDE, sortant de l’endroit où il s’étoit caché ; ARGAN, TOINETTE.
béralde.

Hé bien ! mon frère, vous le voyez.

toinette.

Par ma foi, je n’aurois jamais cru cela. Mais j’entends votre fille. Remettez-vous comme vous étiez, et voyons de quelle manière elle recevra votre mort. C’est une chose qu’il n’est pas mauvais d’éprouver ; et, puisque vous êtes en train, vous connoîtrez par là les sentiments que votre famille a pour vous.

(Béralde va se cacher.)

Scène XX.

ARGAN, ANGÉLIQUE, TOINETTE.
toinette, feignant de ne pas voir Angélique.

Ô ciel ! ah ! fâcheuse aventure ! Malheureuse journée !

angélique.

Qu’as-tu, Toinette ? et de quoi pleures-tu ?

toinette.

Hélas ! j’ai de tristes nouvelles à vous donner.

  1. Le germe du rôle de Béline se trouve dans une petite pièce intitulée le Mari malade, et qui fut jouée avant l’établissement de Molière à Paris. Un vieillard, qui a épousé une jeune femme, est malade. Cette femme paraît avoir le plus grand soin de lui ; mais elle le hait en secret, et profite de sa maladie pour recevoir son amant. Le mari meurt pendant la pièce, et, ce qui est odieux, la femme se réjouit de sa mort. Avec quel art Molière n’a-t-il pas employé cette conception, qui, débarrassée de ce qu’elle a d’affreux, sert à former un dénoûment aussi heureux que naturel !
    (Petitot.)