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Valère

Cela s’entend.

Maître Jacques

Eh bien ! il faudra quatre grands potages et cinq assiettes… Potages… Entrées.

Harpagon

Que diable ! voilà pour traiter toute une ville entière.

Maître Jacques

Rôt…

Harpagon, mettant la main sur la bouche de maître Jacques.

Ah ! traître, tu manges tout mon bien.

Maître Jacques

Entremets[1].

Harpagon, mettant encore la main sur la bouche de maître Jacques. Encore ?

Valère, à maître Jacques. Est-ce que vous avez envie de faire crever tout le monde ? et Monsieur a-t-il invité des gens pour les assassiner à force de mangeaille ? Allez-vous-en lire un peu les préceptes de la santé, et demander aux médecins s’il y a rien de plus préjudiciable à l’homme que de manger avec excès.

Harpagon

Il a raison.

Valère

Apprenez, maître Jacques, vous et vos pareils, que c’est un coupe-gorge qu’une table remplie de trop de viandes ; que pour se bien montrer ami de ceux que l’on invite, il faut que la frugalité règne dans les repas qu’on donne ; et que, suivant le dire d’un ancien, il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.

  1. Var.
    MAÎTRE JACQUES.

    « Hé bien ! il faudra quatre grands potages bien garnis, et cinq assiettes d’entrées : potage bisque, potage de perdrix aux choux verts, potage de sauté, potage de canards aux navets. Entrées : fricassée de poulets, tourte de pigeonneaux, riz de veau, boudiu blanc, et cervelles.

    HARPAGON.

    » Que diable ! voilà pour traiter toute une ville entière.

    MAÎTRE JACQUES.

    » Rôt dans un grandissime bassin en pyramide ; une grande longe de veau de rivière, trois faisans, trois poulardes grasses, douze pigeons de volière, douze poulets de grains, six lapereaux de garenne, douze perdreaux, deux douzaines de cailles, trois douzaines d’ortolans… » (Édition de 1682.)