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Vous avez contre moi séduit des immortels,
C'est pour vous qu'à mes yeux les Zéphyrs l'ont cachée,
Qu'Apollon même suborné
Par un oracle adroitement tourné
1915 Me l'avait si bien arrachée,
Que si sa curiosité
Par une aveugle défiance
Ne l'eût rendue à ma vengeance,
Elle échappait à mon cœur irrité.
1920 Voyez l'état où votre amour l'a mise,
Votre Psyché: son âme va partir,
Voyez, et si la vôtre en est encore éprise,
Recevez son dernier soupir.
Menacez, bravez-moi, cependant qu'elle expire:
1925 Tant d'insolence vous sied bien,
Et je dois endurer, quoi qu'il vous plaise dire,
Moi qui sans vos traits ne puis rien.

L'AMOUR
Vous ne pouvez que trop, Déesse impitoyable,
Le Destin l'abandonne à tout votre courroux:
1930 Mais soyez moins inexorable
Aux prières, aux pleurs d'un fils à vos genoux.
Ce doit vous être un spectacle assez doux,
De voir d'un œil Psyché mourante,
Et de l'autre ce fils d'une voix suppliante
1935 Ne vouloir plus tenir son bonheur que de vous.
Rendez-moi ma Psyché, rendez-lui tous ses charmes,
Rendez-la, Déesse, à mes larmes,
Rendez à mon amour, rendez à ma douleur
Le charme de mes yeux, et le choix de mon cœur.

VÉNUS
1940 Quelque amour que Psyché vous donne,
De ses malheurs par moi n'attendez pas la fin:
Si le Destin me l'abandonne,
Je l'abandonne à son destin.
Ne m'importunez plus, et dans cette infortune
1945 Laissez-la sans Vénus triompher, ou périr.

L'AMOUR
Hélas! si je vous importune,
Je ne le ferais pas, si je pouvais mourir.

VÉNUS