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LE BOURGEOIS GENTILHOMME.

penché sur la cuisse gauche. Les jambes point tant écartées. Vos pieds sur une même ligne. Votre poignet à l’opposite de votre hanche. La pointe de votre épée vis-à-vis de votre épaule. Le bras pas tout à fait si tendu. La main gauche à la hauteur de l’œil. L’épaule gauche plus quartée. La tête droite. Le regard assuré. Avancez. Le corps ferme. Touchez-moi l’épée de quarte, et achevez de même. Une, deux. Remettez-vous. Redoublez de pied ferme. Un saut en arrière. Quand vous portez la botte, monsieur, il faut que l’épée parte la première, et que le corps soit bien effacé. Une, deux. Allons, touchez-moi l’épée de tierce, et achevez de même. Avancez. Le corps ferme. Avancez. Partez de là. Une, deux. Remettez-vous. Redoublez. Une, deux. Un saut en arrière. En garde, monsieur, en garde.

(Le maître d’armes lui pousse deux ou trois bottes, en lui disant : En garde.)

MONSIEUR JOURDAIN.

Hé !

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Vous faites des merveilles.

LE MAÎTRE D’ARMES.

Je vous l’ai déjà dit, tout le secret des armes ne consiste qu’en deux choses, à donner et à ne point recevoir ; et, comme je vous fis voir l’autre jour par raison démonstrative, il est impossible que vous receviez si vous savez détourner l’épée de votre ennemi de la ligne de votre corps ; ce qui ne dépend seulement que d’un petit mouvement du poignet, ou en dedans, ou en dehors.

MONSIEUR JOURDAIN.

De cette façon, donc, un homme, sans avoir de cœur, est sûr de tuer son homme, et de n’être point tué ?

LE MAÎTRE D’ARMES.

Sans doute ; n’en vîtes-vous pas la démonstration ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Oui.

LE MAÎTRE D’ARMES.

Et c’est en quoi l’on voit de quelle considération nous autres nous devons être dans un État ; et combien la science des armes l’emporte hautement sur toutes les autres science inutiles, comme la danse, la musique, la…