Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Charlotte

Oui, Mathurine, je veux que monsieu vous montre votre bec jaune.

Mathurine

Oui, Charlotte, je veux que monsieu vous rende un peu camuse[1].

Charlotte

Monsieu, videz la querelle, s’il vous plaît.

Mathurine

Mettez-nous d’accord, monsieu.

Charlotte, à Mathurine.

Vous allez voir.

Mathurine, à Charlotte

Vous allez voir vous-même.

Charlotte, à don Juan.

Dites.

Mathurine, à don Juan.

Parlez.

Don Juan

Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu’il soit nécessaire que je m’explique davantage ? Pourquoi m’obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j’ai promis effectivement n’a-t-elle pas, en elle-même, de quoi se moquer des discours de l’autre ; et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j’accomplisse ma promesse ? Tous les discours n’avancent point les choses. Il faut faire, et non pas dire ; et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n’est-ce rien que par là que je vous veux mettre d’accord, et l’on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. (bas, à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu’elle voudra. (bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (bas, à Mathurine.) Je vous adore. (bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (bas, à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les

  1. Métaphoriquement, casser le nez, rendre confus. On remarquera, dit M. Génin, que l’on emploie à rendre la même pensée deux images contraires, être camus, et avoir un pied de nez.