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andis qu’à l’ardeur de leurs expressions
Je réponds d’un geste de tête,
Je leur donne tout bas cent malédictions.
Ah ! qu’on est peu flatté de louange, d’honneur,
Et de tout ce que donne une grande victoire,
Lorsque dans l’âme on souffre une vive douleur !
Et que l’on donnerait volontiers cette gloire,
Pour avoir le repos du cœur !
Ma jalousie, à tout propos,
Me promène sur ma disgrâce ;
Et plus mon esprit y repasse,
Moins j’en puis débrouiller le funeste chaos.
Le vol des diamants n’est pas ce qui m’étonne :
On lève les cachets, qu’on ne l’aperçoit pas ;
Mais le don qu’on veut qu’hier j’en vins faire en personne
Est ce qui fait ici mon cruel embarras.
La nature parfois produit des ressemblances
Dont quelques imposteurs ont pris droit d’abuser ;
Mais il est hors de sens que sous ces apparences
Un homme pour époux se puisse supposer,
Et dans tous ces rapports sont mille différences
Dont se peut une femme aisément aviser.
Des charmes de la Thessalie
On vante de tout temps les merveilleux effets ;
Mais les contes fameux qui partout en sont faits,
Dans mon esprit toujours ont passé pour folie ;
Et ce serait du sort une étrange rigueur,
Qu’au sortir d’une ample victoire
Je fusse contraint de les croire,
Aux dépens de mon propre honneur.
Je veux la retâter sur ce fâcheux mystère,
Et voir si ce n’est point une vaine chimère
Qui sur ses sens troublés ait su prendre crédit.
Ah ! fasse le Ciel équitable