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Pourquoi ? De quelle rage est ton âme saisie ?

Mercure
Qui te donne, dis-moi, cette témérité
De prendre le nom de Sosie ?

Sosie
Moi, je ne le prends point, je l’ai toujours porté.

Mercure
Ô le mensonge horrible ! et l’impudence extrême !
Tu m’oses soutenir que Sosie est ton nom ?

Sosie
Fort bien : je le soutiens, par la grande raison
Qu’ainsi l’a fait des Dieux la puissance suprême,
Et qu’il n’est pas en moi de pouvoir dire non,
Et d’être un autre que moi-même.

Mercure le bat.

Mercure
Mille coups de bâton doivent être le prix
D’une pareille effronterie.

Sosie
Justice, citoyens ! Au secours ! je vous prie.

Mercure
Comment, bourreau, tu fais des cris ?

Sosie
De mille coups tu me meurtris,
Et tu ne veux pas que je crie ?

Mercure
C’est ainsi que mon bras…

Sosie
C’est ainsi que mon bras… L’action ne vaut rien :
Tu triomphes de l’avantage
Que te donne sur moi mon manque de courage ;
Et ce n’est pas en user bien.
C’est pure fanfaronnerie
De vouloir profiter de la poltronnerie
De ceux qu’attaque notre bras.
Battre un homme à jeu sûr n’est pas d’une belle âme ;
Et le cœur est digne de blâme
Contre les gens qui n’en ont pas.

Mercure
Hé bien ! es-tu Sosie à présent ? qu’en dis-tu ?