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Monsieur Loyal
1805On pourrait bien punir ces paroles infâmes,

Mamie ; et l’on décrète aussi contre les femmes.

Cléante, à monsieur Loyal.
Finissons tout cela, monsieur ; c’en est assez.

Donnez tôt ce papier, de grâce, et nous laissez.

Monsieur Loyal
Jusqu’au revoir. Le ciel vous tienne tous en joie !


Orgon
1810Puisse-t-il te confondre, et celui qui t’envoie !



Scène 5

Orgon, Madame Pernelle, Elmire, Cléante, Mariane, Damis, Dorine.


Orgon
Hé bien ! vous le voyez, ma mère, si j’ai droit ;

Et vous pouvez juger du reste par l’exploit.
Ses trahisons enfin vous sont-elles connues ?

Madame Pernelle
Je suis toute ébaubie, et je tombe des nues !


Dorine, à Orgon.
1815Vous vous plaignez à tort, à tort vous le blâmez,

Et ses pieux desseins par là sont confirmés.
Dans l’amour du prochain sa vertu se consomme :
Il sait que très souvent les biens corrompent l’homme,
Et, par charité pure, il veut vous enlever
1820Tout ce qui vous peut faire obstacle à vous sauver[1].

Orgon
Taisez-vous. C’est le mot qu’il vous faut toujours dire.


Cléante, à Orgon.
Allons voir quel conseil on doit vous faire élire.


Elmire
Allez faire éclater l’audace de l’ingrat.
  1. Cette Dorine, qui fait un rôle si animé, si essentiel dans le Tartuffe, et qui en est le boute-en-train, me personnifie à merveille la verve même du poète, ce qu’on oserait appeler le gros de sa muse, un peu comme chez Rubens ces Sirènes poissonneuses et charnues, les favorites du peintre. Ainsi cette Dorine, si provocante, si drue, servirait très-bien à figurer la muse comique de Molière en ce qu’elle a de tout à fait à part et d’invincible, et de détaché d’une observation plus réfléchie, — l’humeur comique dans sa pure veine courante, qui l’assaillait, qui le distrayait, comme la servante du logis, même en ses plus sombres heures, et faisait remue-ménage à travers sa mélancolie habituelle, dans la profondeur ne s’en ébranlait pas.
    (Sainte-Beuve.)