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565Et je lui ferais voir, bientôt après la fête,
Qu’une femme a toujours une vengeance prête.

Orgon, à Dorine.
Donc de ce que je dis on ne fera nul cas ?


Dorine
De quoi vous plaignez-vous ? Je ne vous parle pas.


Orgon
Qu’est-ce que tu fais donc ?


Dorine
Qu’est-ce que tu fais donc ? Je me parle à moi-même.


Orgon, à part.
570Fort bien. Pour châtier son insolence extrême,

Il faut que je lui donne un revers de ma main.
(Il se met en posture de donner un soufflet à Dorine, et, à chaque mot qu’il dit à sa fille, il se tourne pour regarder Dorine, qui se tient droite sans parler.)
Ma fille, vous devez approuver mon dessein…
Croire que le mari… que j’ai su vous élire…
(À Dorine)
Que ne te parles-tu ?

Dorine
Que ne te parles-tu ? Je n’ai rien à me dire.


Orgon
575Encore un petit mot.


Dorine
Encore un petit mot. Il ne me plaît pas, moi.


Orgon
Certes, je t’y guettais.


Dorine
Certes, je t’y guettais. Quelque sotte, ma foi !…


Orgon
Enfin, ma fille, il faut payer d’obéissance ;

Et montrer pour mon choix entière déférence.

Dorine, en s’enfuyant.
Je me moquerais fort de prendre un tel époux[1].


Orgon, après avoir manqué de donner un souffler à Dorine.
580Vous avez là, ma fille, une peste avec vous,

Avec qui, sans péché, je ne saurais plus vivre.

  1. Ce vers est à la fois clair et précis ; il ne renferme ni faute de français ni contre-sens, comme l’ont avancé d’habiles commentateurs : Dorine continue d’exprimer ici la pensée qu’elle exprimait tout à l’heure ; c’est comme si elle