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Scène IV.


LYCARSIS, MYRTIL, MÉLICERTE.

LYCARSIS.

Ne vous contraignez pas pour moi.

MÉLICERTE, à part.

Ne vous contraignez pas pour moi. Quel sort fâcheux !

LYCARSIS.

Cela ne va pas mal : continuez tous deux.
Peste ! mon petit fils, que vous avez l’air tendre,
Et qu’en maître déjà vous savez vous y prendre !
Vous a-t-il, ce savant qu’Athènes exila,
Dans sa philosophie appris ces choses-là ?
Et vous, qui lui donnez de si douce manière
Votre main à baiser, la gentille bergère,
L’honneur vous apprend-il ces mignardes douceurs,
Par qui vous débauchez ainsi les jeunes cœurs ?

MYRTIL.

Ah ! quittez de ces mots l’outrageante bassesse,
Et ne m’accablez point d’un discours qui la blesse.

LYCARSIS.

Je veux lui parler, moi. Toutes ces amitiés…

MYRTIL.

Je ne souffrirai point que vous la maltraitiez.
À du respect pour vous la naissance m’engage ;
Mais je saurai sur moi vous punir de l’outrage.
Oui, j’atteste le Ciel que si, contre mes vœux,
Vous lui dites encor le moindre mot fâcheux,
Je vais avec ce fer, qui m’en fera justice,
Au milieu de mon sein vous chercher un supplice ;
Et par mon sang versé lui marquer promptement
L’éclatant désaveu de votre emportement.

MÉLICERTE.

Non, non, ne croyez pas qu’avec art je l’enflamme,
Et que mon dessein soit de séduire son âme.
S’il s’attache à me voir, et me veut quelque bien,
C’est de son mouvement : je ne l’y force en rien.
Ce n’est pas que mon cœur veuille ici se défendre
De répondre à ses vœux d’une ardeur assez tendre ;
Je l’aime, je l’avoue, autant qu’on puisse aimer ;
Mais cet amour n’a rien qui vous doive alarmer ;
Et pour vous arracher toute injuste créance,