Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et régler tous ses vœux sur son mérite extrême.

LYCARSIS.

Il est vrai qu’à son âge il surprend quelquefois ;
Et cet Athénien qui fut chez moi vingt mois,
Qui, le trouvant joli, se mit en fantaisie
De lui remplir l’esprit de sa philosophie,
Sur de certains discours l’a rendu si profond,
Que, tout grand que je suis, souvent il me confond.
Mais, avec tout cela, ce n’est encor qu’enfance,
Et son fait est mêlé de beaucoup d’innocence.

DAPHNÉ.

Il n’est point tant enfant, qu’à le voir chaque jour,
Je ne le croie atteint déjà d’un peu d’amour ;
Et plus d’une aventure à mes yeux s’est offerte
Où j’ai connu qu’il suit la jeune Mélicerte.

ÉROXÈNE.

Ils pourroient bien s’aimer ; et je vois…

LYCARSIS.

Ils pourroient bien s’aimer ; et je vois…Franc abus.
Pour elle, passe encore : elle a deux ans de plus ;
Et deux ans, dans son sexe, est une grande avance.
Mais pour lui, le jeu seul l’occupe tout, je pense,
Et les petits désirs de se voir ajusté
Ainsi que les bergers de haute qualité.

DAPHNÉ.

Enfin nous desirons par le nœud d’hyménée
Attacher sa fortune à notre destinée.

ÉROXÈNE.

Nous voulons, l’une et l’autre, avec pareille ardeur,
Nous assurer de loin l’empire de son cœur.

LYCARSIS.

Je m’en tiens honoré autant qu’on sauroit croire.
Je suis un pauvre pâtre ; et ce m’est trop de gloire
Que deux Nymphes d’un rang le plus haut du pays
Disputent à se faire un époux de mon fils.
Puisqu’il vous plaît qu’ainsi la chose s’exécute,
Je consens que son choix règle votre dispute ;
Et celle qu’à l’écart laissera cet arrêt,
Pourra, pour son recours, m’épouser, s’il lui plaît,
C’est toujours même sang, et presque même chose.
Mais le voici. Souffrez qu’un peu je le dispose.