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Géronte

Celui qu’elle doit épouser veut attendre sa guérison pour conclure les choses.

Sganarelle

Et qui est ce sot-là, qui ne veut pas que sa femme soit muette ? Plût à Dieu que la mienne eût cette maladie ! je me garderois bien de la vouloir guérir.

Géronte

Enfin, monsieur, nous vous prions d’employer tous vos soins pour la soulager de son mal.

Sganarelle

Ah ! ne vous mettez pas en peine. Dites-moi un peu : ce mal l’oppresse-t-il beaucoup ?

Géronte

Oui, monsieur.

Sganarelle

Tant mieux. Sent-elle de grandes douleurs ?

Géronte

Fort grandes.

Sganarelle

C’est fort bien fait[1] Va-t-elle où vous savez ?

Géronte

Oui.

Sganarelle

Copieusement ?

Géronte

Je n’entends rien à cela.

Sganarelle

La matière est-elle louable ?

  1. Esope* conte qu’un malade, étant interrogé par son médecin quelle opération il sentoit des médicaments qu’il lui avoit donnés : J’ai fort sué, répondit-il. — Cela est bon, dit le médecin. Une autre fois il lui demanda encore comment il s’était porté depuis : J’ai eu un froid extrême, fit-il, et ai si fort tremblé. — Cela est bon, reprit le médecin. À la troisième fois, il demanda derechef comment il se portit : Je me sens, dit-il, enfler et bouffir comme d’hydropisie. — Voilà qui va bien, ajouta le médecin. Venant après à s’enquérir à lui de son état : Certes, mon ami, répondit-il, à force de bien aller je me meurs**. — Molière avait déjà imité cette fable d’Ésope dans le Médecin volant. « Sentez-vous de grandes douleurs à la tête et aux reins ? dit Sganarelle à Lucile. — Oui, monsieur. — C’est fort bien fait, répond Sganarelle. » (Aimé Martin.)

    *. Fable XLIII, Ægrotus et medicus.

    **. Éssais de Montaigne, livre II, ch. XXXVII.