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Valère

Chacun a ses soins dans le monde, et nous cherchons aussi ce que nous voudrions bien trouver.

Martine

Seroit-ce quelque chose où je vous puisse aider ?

Valère

Cela se pourroit faire ; et nous tâchons de rencontrer quelque habile homme, quelque médecin particulier qui pût donner quelque soulagement à la fille de notre maître, attaquée d’une maladie qui lui a ôté tout d’un coup l’usage de la langue. Plusieurs médecins ont déjà épuisé toute leur science après elle : mais on trouve parfois des gens avec des secrets admirables, de certains remèdes particuliers, qui font le plus souvent ce que les autres n’ont su faire ; et c’est là ce que nous cherchons.

Martine, bas, à part.

Ah ! que le ciel m’inspire une admirable invention pour me venger de mon pendard ! (haut.) Vous ne pouviez jamais vous mieux adresser pour rencontrer ce que vous cherchez ; et nous avons un homme, le plus merveilleux homme du monde pour les maladies désespérées.

Valère

Hé ! de grâce, où pouvons-nous le rencontrer ?

Martine

Vous le trouverez maintenant vers ce petit lieu que voilà, qui s’amuse à couper du bois.

Lucas

Un médecin qui coupe du bois !

Valère

Qui s’amuse à cueillir des simples, voulez-vous dire ?

Martine

Non ; c’est un homme extraordinaire qui se plaît à cela, fantasque, bizarre, quinteux, et que vous ne prendriez jamais pour ce qu’il est. Il va vêtu d’une façon extravagante, affecte quelquefois de paroître ignorant, tient sa science renfermée, et ne fuit rien tant tous les jours que d’exercer les merveilleux talents qu’il a eus du ciel pour la médecine.

Valère

C’est une chose admirable que tous les grands hommes ont toujours du caprice, quelque petit grain de folie mêlé à leur science.