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vantable coup qui vous menace. De grâce, don Juan, accordez-moi, pour dernière faveur, cette douce consolation ; ne me refusez point votre salut, que je vous demande avec larmes ; et si vous n’êtes point touché de votre intérêt, soyez-le au moins de mes prières, et m’épargnez le cruel déplaisir de vous voir condamner à des supplices éternels.

Sganarelle, à part.

Pauvre femme !

Done Elvire

Je vous ai aimé avec une tendresse extrême, rien au monde ne m’a été si cher que vous ; j’ai oublié mon devoir pour vous, j’ai fait toutes choses pour vous ; et toute la récompense que je vous en demande, c’est de corriger votre vie, et de prévenir votre perte. Sauvez-vous, je vous prie, ou pour l’amour de vous, ou pour l’amour de moi. Encore une fois, don Juan, je vous le demande avec larmes ; et, si ce n’est assez des larmes d’une personne que vous avez aimée, je vous en conjure par tout ce qui est le plus capable de vous toucher.

Sganarelle, à part, regardant don Juan.

Cœur de tigre !

Done Elvire

Je m’en vais après ce discours : et voilà tout ce que j’avais à vous dire.

Don Juan

Madame, il est tard, demeurez ici. On vous y logera le mieux qu’on pourra.

Done Elvire

Non, don Juan, ne me retenez pas davantage.

Don Juan

Madame, vous me ferez plaisir de demeurer, je vous assure.

Done Elvire

Non, vous dis-je ; ne perdons point de temps en discours superflus. Laissez-moi vite aller, ne faites aucune instance pour me conduire, et songez seulement à profiter de mon avis.



Scène X

DON JUAN, SGANARELLE.
Don Juan

Sais-tu bien que j’ai encore senti quelque peu d’émotion