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Don Alonse

Ô l’étrange faiblesse, et l’aveuglement effroyable de hasarder ainsi les intérêts de son honneur pour la ridicule pensée d’une obligation chimérique !

Don Carlos

Non, mon frère, ne vous mettez pas en peine. Si je fais une faute, je saurai bien la réparer, et je me charge de tout le soin de notre honneur ; je sais à quoi il nous oblige, et cette suspension d’un jour, que ma reconnaissance lui demande, ne fera qu’augmenter l’ardeur que j’ai de le satisfaire. Don Juan, vous voyez que j’ai soin de vous rendre le bien que j’ai reçu de vous, et vous devez par-là juger du reste, croire que je m’acquitte avec la même chaleur de ce que je dois, et que je ne serai pas moins exact à vous payer l’injure que le bienfait. Je ne veux point vous obliger ici à expliquer vos sentiments, et je vous donne la liberté de penser à loisir aux résolutions que vous avez à prendre. Vous connaissez assez la grandeur de l’offense que vous nous avez faite, et je vous fais juge vous-même des réparations qu’elle demande. Il est des moyens doux pour nous satisfaire ; il en est de violents et de sanglants : mais enfin, quelque choix que vous fassiez, vous m’avez donné parole de me faire faire raison par don Juan. Songez à me la faire, je vous prie, et vous ressouvenez que, hors d’ici, je ne dois plus qu’à mon honneur.

Don Juan

Je n’ai rien exigé de vous, et vous tiendrai ce que j’ai promis.

Don Carlos

Allons, mon frère : un moment de douceur ne fait aucune injure à la sévérité de notre devoir.



Scène VI

DON JUAN, SGANARELLE.
Don Juan

Holà, hé, Sganarelle !

Sganarelle, sortant de l’endroit où il était caché.

Plaît-il ?

Don Juan

Comment ! coquin, tu fuis quand on m’attaque !