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d’entre eux n’ont-ils pas répondu : « Qu’il nous rende toutes les injures qu’il voudra, pourvu que nous gagnions de l’argent ? » N’est-ce pas là la marque d’une âme fort sensible à la honte ? Et ne me vengerais-je pas bien d’eux en leur donnant ce qu’ils veulent bien recevoir ?

Mademoiselle de Brie

Ils se sont fort plaints, toutefois, de trois ou quatre mots que vous avez dits d’eux dans La Critique et dans vos Précieuses.

Molière

Il est vrai, ces trois ou quatre mots sont fort offensants, et ils ont grande raison de les citer. Allez, allez, ce n’est pas cela. Le plus grand mal que je leur aie fait, c’est que j’ai eu le bonheur de plaire un peu plus qu’ils n’auraient voulu ; et tout leur procédé, depuis que nous sommes venus à Paris, a trop marqué ce qui les touche. Mais laissons-les faire tant qu’ils voudront ; toutes leurs entreprises ne doivent point m’inquiéter. Ils critiquent mes pièces : tant mieux ; et Dieu me garde d’en faire jamais qui leur plaise ! Ce serait une mauvaise affaire pour moi.

Mademoiselle de Brie

Il n’y a pas grand plaisir pourtant à voir déchirer ses ouvrages.

Molière

Et qu’est-ce que cela me fait ? N’ai-je pas obtenu de ma comédie tout ce que j’en voulais obtenir, puisqu’elle a eu le bonheur d’agréer aux augustes personnes à qui particulièrement je m’efforce de plaire ? N’ai-je pas lieu d’être satisfait de sa destinée, et toutes leurs censures ne viennent-elles pas trop tard ? Est-ce moi, je vous prie, que cela regarde maintenant ? Et lorsqu’on attaque une pièce qui a eu du succès, n’est-ce pas attaquer plutôt le jugement de ceux qui l’ont approuvée, que l’art de celui qui l’a faite ?

Mademoiselle de Brie

Ma foi, j’aurais joué ce petit Monsieur l’auteur, qui se mêle d’écrire contre des gens qui ne songent pas à lui.

Molière

Vous êtes folle. Le beau sujet à divertir la cour que Monsieur Boursaut ! Je voudrais bien savoir de quelle façon on pourrait l’ajuster pour le rendre plaisant, et si, quand on le bernerait sur un théâtre, il serait assez heureux pour faire rire