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SCÈNE VI



Scène VI.

Dorante, Climène, Uranie, Élise, Le Marquis.

Dorante

Ne bougez, de grâce, et n’interrompez point votre discours. Vous êtes là sur une matière qui, depuis quatre jours, fait presque l’entretien de toutes les maisons de Paris ; et jamais on n’a rien vu de si plaisant que la diversité des jugements qui se font là-dessus. Car enfin j’ai ouï condamner cette comédie à certaines gens, par les mêmes choses que j’ai vu d’autres estimer le plus.

Uranie

Voilà monsieur le marquis qui en dit force mal.

Le Marquis

Il est vrai. Je la trouve détestable, morbleu ! détestable, du dernier détestable, ce qu’on appelle détestable.

Dorante

Et moi, mon cher marquis, je trouve le jugement détestable.

Le Marquis

Quoi chevalier, est-ce que tu prétends soutenir cette pièce ?

Dorante

Oui, je prétends la soutenir.

Le Marquis

Parbleu ! je la garantis détestable.

Dorante

La caution n’est pas bourgeoise. Mais, marquis, par quelle raison, de grâce, cette comédie est-elle ce que tu dis ?

Le Marquis

Pourquoi elle est détestable ?

Dorante

Oui.

Le Marquis

Elle est détestable, parce qu’elle est détestable.

Dorante

Après cela, il n’y a plus rien à dire ; voilà son procès fait. Mais encore instruis-nous, et nous dis les défauts qui y sont.

Le Marquis

Que sais-je moi ? je ne me suis pas seulement donné la peine de l’écouter. Mais enfin je sais bien que je n’ai jamais