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Quoi qu’on en puisse dire enfin, le cocuage
Sous des traits moins affreux aisément s’envisage ;
Et, comme je vous dis, toute l’habileté
Ne va qu’à le savoir tourner du bon côté.

Arnolphe.

Après ce beau discours, toute la confrérie
Doit un remercîment à Votre Seigneurie ;
Et quiconque voudra vous entendre parler
Montrera de la joie à s’y voir enrôler.

Chrysalde.

Je ne dis pas cela, car c’est ce que je blâme ;
Mais, comme c’est le sort qui nous donne une femme,
Je dis que l’on doit faire ainsi qu’au jeu de dés,
Où, s’il ne vous vient pas ce que vous demandez,
Il faut jouer d’adresse, et d’une âme réduite
Corriger le hasard par la bonne conduite.

Arnolphe.

C’est-à-dire dormir et manger toujours bien,
Et se persuader que tout cela n’est rien.

Chrysalde.

Vous pensez vous moquer ; mais, à ne vous rien feindre,
Dans le monde je vois cent choses plus à craindre
Et dont je me ferais un bien plus grand malheur
Que de cet accident qui vous fait tant de peur.
Pensez-vous qu’à choisir de deux choses prescrites,
Je n’aimasse pas mieux être ce que vous dites,
Que de me voir mari de ces femmes de bien,
Dont la mauvaise humeur fait un procès sur rien,
Ces dragons de vertu, ces honnêtes diablesses,
Se retranchant toujours sur leurs sages prouesses,
Qui, pour un petit tort qu’elles ne nous font pas,
Prennent droit de traiter les gens de haut en bas,

Et veulent, sur le pied de nous être fidèles,
Que nous soyons tenus à tout endurer d’elles ?
Encore un coup, compère, apprenez qu’en effet
Le cocuage n’est que ce que l’on le fait,
Qu’on peut le souhaiter pour de certaines causes,
Et qu’il a ses plaisirs comme les autres choses.

Arnolphe.