Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/506

Cette page n’a pas encore été corrigée

Dorante, le retenant.
Parbleu, chemin faisant, je te le veux conter.
Nous étions une troupe assez bien assortie,
Qui pour courir un cerf avions hier fait partie  ;
Et nous fûmes coucher sur le pays exprès,
C’est-à-dire, mon cher, en fin fond de forêts.
Comme cet exercice est mon plaisir suprême,
Je voulus, pour bien faire, aller au bois moi-même  ;
Et nous conclûmes tous d’attacher nos efforts


Sur un cerf qu’un chacun nous disoit cerf dix-cors  ;
Mais moi, mon jugement, sans qu’aux marques j’arrête,
Fut qu’il n’étoit que cerf à sa seconde tête.
Nous avions, comme il faut, séparé nos relais,
Et déjeunions en hâte avec quelques œufs frais,
Lorsqu’un franc campagnard, avec longue rapière,
Montant superbement sa jument poulinière,
Qu’il honoroit du nom de sa bonne jument,
S’en est venu nous faire un mauvais compliment,


Nous présentant aussi, pour surcroît de colère,
Un grand benêt de fils aussi sot que son père.
Il s’est dit grand chasseur, et nous a priés tous
Qu’il pût avoir le bien de courir avec nous.
Dieu préserve, en chassant, toute sage personne
D’un porteur de huchet qui mal à propos sonne,
De ces gens qui, suivis de dix hourets galeux,
Disent ma meute, et font les chasseurs merveilleux  !
Sa demande reçue et ses vertus prisées,
Nous avons été tous frapper à nos brisées.
À trois longueurs de trait, tayaut  ! Voilà d’abord
Le cerf donné aux chiens. J’appuie, et sonne fort.


Mon cerf débuche, et passe une assez longue plaine,