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Climène.
Fi  ! Ne me parlez point, pour être vrais amants,
De ces gens qui pour nous n’ont nuls emportements,
De ces tièdes galans, de qui les cœurs paisibles
Tiennent déjà pour eux les choses infaillibles,
N’ont point peur de nous perdre, et laissent chaque jour
Sur trop de confiance endormir leur amour,
Sont avec leurs rivaux en bonne intelligence,
Et laissent un champ libre à leur persévérance.
Un amour si tranquille excite mon courroux.
C’est aimer froidement que n’être point jaloux  ;
Et je veux qu’un amant, pour me prouver sa flamme,


Sur d’éternels soupçons laisse flotter son âme,
Et par de prompts transports donne un signe éclatant
De l’estime qu’il fait de celle qu’il prétend.
On s’applaudit alors de son inquiétude,
Et s’il nous fait parfois un traitement trop rude,
Le plaisir de le voir, soumis à nos genoux,
S’excuser de l’éclat qu’il a fait contre nous,
Ses pleurs, son désespoir d’avoir pu nous déplaire,
Est un charme à calmer toute notre colère.
Orante.
Si pour vous plaire il faut beaucoup d’emportement,
Je sais qui vous pourroit donner contentement  ;
Et je connois des gens dans Paris plus de quatre
Qui, comme ils le font voir, aiment jusques à battre.
Climène.
Si pour vous plaire il faut n’être jamais jaloux,
Je sais certaines gens fort commodes pour vous,
Des hommes en amour d’une humeur si souffrante,
Qu’ils vous verroient sans peine entre les bras de trente.
Orante.
Enfin par votre arrêt vous devez déclarer
Celui de qui l’amour vous semble à préférer.
Éraste.
Puisqu’à moins d’un arrêt je ne m’en puis défaire,


Toutes deux à la fois je vous veux satisfaire  ;
Et pour ne point blâmer ce qui plaît à vos yeux,
Le jaloux aime plus, et l’autre aime bien mieux.
C