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Non-seulement doit être et pudique et bien née,
Il ne faut pas que même elle soit soupçonnée.
Allons chasser l’infâme, et de sa passion…

Isabelle
Ah ! Vous lui donneriez trop de confusion ;
Et c’est avec raison qu’elle pourrait se plaindre
Du peu de retenue où j’ai su me contraindre.
Puisque de son dessein je dois me départir,
Attendez que du moins je la fasse sortir.

Sganarelle
Eh bien ! Fais.

Isabelle
Mais surtout cachez-vous, je vous prie,
Et sans lui dire rien daignez voir sa sortie.

Sganarelle
Oui, pour l’amour de toi je retiens mes transports ;
Mais, dès le même instant qu’elle sera dehors,
Je veux, sans différer, aller trouver mon frère :
J’aurai joie à courir lui dire cette affaire.

Isabelle
Je vous conjure donc de ne me point nommer.
Bonsoir : car tout d’un temps je vais me renfermer.

Sganarelle
Jusqu’à demain, mamie. En quelle impatience
Suis-je de voir mon frère, et lui conter sa chance !
Il en tient, le bonhomme, avec tout son phébus,
Et je n’en voudrais pas tenir vingt bons écus.

Isabelle, dans la maison.
Oui, de vos déplaisirs l’atteinte m’est sensible ;
Mais ce que vous voulez, ma soeur, m’est impossible :
Mon honneur, qui m’est cher, y court trop de hasard.
Adieu : retirez-vous avant qu’il soit plus tard.

Sganarelle
La voilà qui, je crois, peste de belle sorte :
De peur qu’elle revînt, fermons à clef la porte.

Isabelle
Ô ciel, dans mes desseins ne m’abandonnez pas !

Sganarelle
Où pourra-t-elle aller ? Suivons un peu ses pas.

Isabelle
Dans mon trouble, du moins la nuit me favorise.

Sganarelle