Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/418

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et je le trouve à plaindre en son inquiétude,
Son intérêt pourtant, si j’en ai bien jugé,
Est encor cher au cœur qu’il a tant outragé ;
Et je n’ai point connu qu’à ce succès qu’on vante
La Princesse ait fait voir une âme fort contente,
De ce frère qui vient, et de la lettre aussi,
Mais…

Scène 2

Done Elvire, Dom Alvare, Élise, Done Ignès.

Done Elvire
Mais… Faites, Dom Alvar, venir le Prince ici.
Souffrez que devant vous je lui parle, Madame,
Sur cet événement dont on surprend mon âme ;
Et ne m'accusez point d'un trop prompt changement,
Si je perds contre lui tout mon ressentiment.
Sa disgrâce imprévue a pris droit de l'éteindre :
Sans lui laisser ma haine, il est assez à plaindre,
Et le Ciel, qui l'expose à ce trait de rigueur,
N'a que trop bien servi les serments de mon cœur.
Un éclatant arrêt de ma gloire outragée
À jamais n'être à lui me tenait engagée ;
Mais quand par les destins il est exécuté,
J'y vois pour son amour trop de sévérité ;
Et le triste succès de tout ce qu'il m'adresse,
M'efface son offense et lui rend ma tendresse.
Oui, mon cœur, trop vengé par de si rudes coups,
Laisse à leur cruauté désarmer son courroux,
Et cherche maintenant, par un soin pitoyable,
À consoler le sort d'un amant misérable ;
Et je crois que sa flamme a bien pu mériter
Cette compassion que je lui veux prêter.

Done Ignès
Madame, on aurait tort de trouver à redire
Aux tendres sentiments qu’on voit qu’il vous inspire,
Ce qu’il a fait pour vous… Il vient, et sa pâleur,
De ce coup surprenant marque assez la douleur.


Scène 3

Dom Garcie, Done Elvire, Done Ignès, Élise.

Dom Garcie