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Cette plaie en mon cœur ne saurait se guérir,
Et les soins qu'on en prend ne font rien que l'aigrir.
À quelques faux respects croit-il que je défère ?
Non, non : il a poussé trop avant ma colère ;
Et son vain repentir, qui porte ici vos pas,
Sollicite un pardon que vous n'obtiendrez pas.

Dom Alvare
Madame, il fait pitié. Jamais cœur, que je pense,
Par un plus vif remords n'expia son offense ;
Et si dans sa douleur vous le considériez,
Il toucherait votre âme, et vous l'excuseriez.
On sait bien que le Prince est dans un âge à suivre
Les premiers mouvements où son âme se livre,
Et qu'en un sang bouillant toutes les passions
Ne laissent guère place à des réflexions.
Dom Lope, prévenu d'une fausse lumière,
De l'erreur de son maître a fourni la matière.
Un bruit assez confus, dont le zèle indiscret
A de l'abord du Comte éventé le secret,
Vous avait mise aussi de cette intelligence
Qui dans ces lieux gardés a donné sa présence.
Le Prince a cru l'avis, et son amour séduit,
Sur une fausse alarme, a fait tout ce grand bruit.
Mais d'une telle erreur son âme est revenue :
Votre innocence enfin lui vient d'être connue,
Et Dom Lope qu'il chasse est un visible effet
Du vif remords qu'il sent de l'éclat qu'il a fait.

Done Elvire
Ah ! c’est trop promptement qu’il croit mon innocence,
Il n’en a pas encore une entière assurance ;
Dites-lui, dites-lui, qu’il doit bien tout peser,
Et ne se hâter point, de peur de s’abuser.

Dom Alvare
Madame, il sait trop bien…

Done Elvire
Madame, il sait trop bien… Mais, Dom Alvar, de grâce,
N’étendons pas plus loin un discours qui me lasse,
Il réveille un chagrin qui vient à contre-temps,
En troubler dans mon cœur d’autres plus importants.
Oui, d’un trop grand malheur la surprise me presse,
Et le bruit du trépas de l’illustre comtesse