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Car enfin, un esprit qu’un peu d’orgueil inspire
Trouve beaucoup de honte à se pouvoir dédire ;
Et souvent aux dépens d’un pénible combat
Fait sur ses propres vœux un illustre attentat,
S’obstine par honneur, et n’a rien qu’il n’immole
À la noble fierté de tenir sa parole.
Ainsi, dans le pardon que l’on vient d’obtenir,
Ne prends point de clartés pour régler l’avenir ;
Et quoi qu’à mes destins la fortune prépare,
Crois que je ne puis être au prince de Navarre,
Que, de ces noirs accès qui troublent sa raison,
Il n’ait fait éclater l’entière guérison,
Et réduit tout mon cœur, que ce mal persécute,
À n’en plus redouter l’affront d’une rechute.

Élise
Mais quel affront nous fait le transport d’un jaloux ?

Done Elvire
En est-il un qui soit plus digne de courroux ?
Et puisque notre cœur fait un effort extrême,
Lorsqu’il se peut résoudre à confesser qu’il aime,
Puisque l’honneur du sexe, en tout temps rigoureux,
Oppose un fort obstacle à de pareils aveux,
L’amant qui voit pour lui franchir un tel obstacle
Doit-il impunément douter de cet oracle ?
Et n’est-il pas coupable, alors qu’il ne croit pas,
Ce qu’on ne dit jamais qu’après de grands combats ?

Élise
Moi, je tiens que toujours un peu de défiance
En ces occasions n’a rien qui nous offense,
Et qu’il est dangereux qu’un cœur qu’on a charmé
Soit trop persuadé, Madame, d’être aimé,
Si…

Done Elvire
N’en disputons plus : chacun a sa pensée.
C’est un scrupule, enfin, dont mon âme est blessée ;
Et contre mes désirs, je sens je ne sais quoi,
Me prédire un éclat entre le Prince et moi,
Qui, malgré ce qu’on doit aux vertus dont il brille…
Mais, ô Ciel ! en ces lieux, Dom Sylve de Castille !
Ah ! Seigneur,