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DU THÉÂTRE EN FRANCE

Pierre de Laudun, Jean de Beaubreuil, Antoine de Montchrétien, et Dumonin, auteur d’une tragédie intitulée la Peste de la peste, ou le Jugement divin, dans laquelle figurent Autan, lieutenant de la peste, vent du midi ; Aquilon, vent de santé, etc.

Robert Garnier, qui débuta vers 1573, mérite d’être distingué au milieu de tous ces versificateurs. « Il est le premier, dit avec raison Suard, qui ait su puiser avec quelque goût dans les anciens. Il donna en général à la tragédie le langage qui lui convient. Ses ouvrages doivent faire époque dans l’histoire du Théâtre, non par la beauté des plans, il n’en faut chercher de bons dans aucune des tragédies du seizième siècle, mais les sentiments qu’il exprime sont nobles ; son style a souvent de l’élévation sans enflure et beaucoup de sensibilité. »

Les principales tragédies de Garnier sont Hippolyte, la Troade et les Juives. Racine n’a pas dédaigné de faire à ces pièces quelques emprunts[1].

La plupart des écrivains du seizième siècle s’essayèrent dans les genres les plus divers ; on imita Plante et Térence comme on avait imité, pour la tragédie, Euripide, Sénèque et Sophocle. On tenta aussi quelques pièces dans le goût plus moderne, des pièces d’intrigue, telles que les Esbahis et la Trésorière, de Grévin ; les Corrivaux, de Jean de la Taille ; les Néapolitains, de François d’Amboise ; les Contents, d’Odet Turnèbe ; la Rencontre, de Jodelle ; la Reconnue, de Remi Belleau ; le Ramoneur, de Lebreton ; les Escoliers, de Perrin. « Des vieillards imbéciles, dit Suard, des jeunes gens libertins, des femmes de toutes les espèces, excepté de l’espèce honnête, deux ou trois déguisements, trois ou quatre surprises, et autant de reconnaissances, voilà le fond de toutes les intrigues des comédies de ce temps. Si peu de comique dans la comédie et de grandeur dans la tragédie laissent facilement concevoir qu’on peut se livrer aux deux genres sans posséder beaucoup de génie ou de talent ; aussi, presque

  1. Voir, pour les rapprochements du théâtre de Racine et de celui de Garnier, Suard, Mélange de Littérature, t. Ier, Hist. du Théâtre français, p. 82 et suiv.