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Jodelet Pourquoi ?

Mascarille Nous mènerions promener ces dames hors des portes[1], et leur donnerions un cadeau.

Magdelon

Nous ne saurions sortir aujourd’hui.

Mascarille

Ayons donc les violons pour danser.

Jodelet

Ma foi ! c’est bien avisé.

Magdelon

Pour cela, nous y consentons : mais il faut donc quelque surcroît de compagnie.

Mascarille

Holà ! Champagne, Picard, Bourguignon, Casquaret, Basque, la Verdure, Lorrain, Provençal, la Violette ! Au diable soient tous les laquais ! Je ne pense pas qu’il y ait gentilhomme en France plus mal servi que moi. Ces canailles me laissent toujours seul.

Magdelon

Almanzor, dites aux gens de Monsieur qu’ils aillent querir des violons, et nous faites venir ces messieurs et ces dames d’ici près, pour peupler la solitude de notre bal.

Almanzor sort.

Mascarille

Vicomte, que dis-tu de ces yeux ?

Jodelet

Mais toi-même, marquis, que t’en semble ?

Mascarille

Moi, je dis que nos libertés auront peine à sortir d’ici les braies[2] nettes. Au moins, pour moi, je reçois d’étranges secousses, et mon cœur ne tient plus qu’à un filet.

  1. Se promener hors des portes, parce qu'à cette date Paris avoit encore ses vieilles fortifications.
  2. La braie, en latin bragum, est l'une des pièces les plus importantes du costume gaulois, répondoit à notre pantalon moderne. La braie qui tomboit primitivement jusqu'au bas de la jambe, devint en se raccourcissant le haut-de-chausses, et plus tard la culotte. Au sens propre, sortir les braies nettes d'une bagarre, c'est en sortir sans avoir ses habits déchirés, et au figuré, c'est en sortir sain et sauf.