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Madelon

Il faut avouer que cela a un tour spirituel et galant.

Mascarille

Je veux vous dire l’air que j’ai fait dessus.

Cathos

Vous avez appris la musique ?

Mascarille

Moi ? Point du tout.

Cathos

Et comment donc cela se peut-il ?

Mascarille

Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris[1] !

Magdelon

Assurément, ma chère.

Mascarille

Écoutez si vous trouverez l’air à votre goût : hem, hem, la, la, la, la, la. La brutalité de la saison a furieusement outragé la délicatesse de ma voix ; mais il n’importe, c’est à la cavalière.

(Il chante.)

Oh, oh ! je n’y prenois pas garde, Ac.

Cathos

Ah ! que voilà un air qui est passionné ! Est-ce qu’on n’en meurt point ?

Magdelon

Il y a de la chromatique là dedans.

Mascarille

Ne trouvez-vous pas la pensée bien exprimée dans le chant ? Au voleur ! au voleur ! Et puis, comme si l’on crioit bien fort, au, au, au, au, au, au, voleur ! Et tout d’un coup, comme une personne essoufflée, au voleur !

Magdelon

C’est là savoir le fin des choses, le grand fin, le fin du fin. Tout est merveilleux, je vous assure ; je suis enthousiasmée de l’air et des paroles.

Cathos

Je n’ai encore rien vu de cette force-là.

  1. J-B Rousseau a imité cette pensée dans sa comédie des Adieux chimér <poem>Un grand seigneur sait tout sans avoir rien appris.<poem>