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Madelon

Les madrigaux sont agréables, quand ils sont bien tournés.

Mascarille

C’est mon talent particulier ; et je travaille à mettre en madrigaux toute l’histoire romaine[1].

Magdelon

Ah ! certes, cela sera du dernier beau ; j’en retiens un exemplaire au moins, si vous le faites imprimer.

Mascarille

Je vous en promets à chacune un, et des mieux reliés. Cela est au-dessous de ma condition ; mais je le fais seulement pour donner à gagner aux libraires qui me persécutent.

Magdelon

Je m’imagine que le plaisir est grand de se voir imprimé.

Mascarille

Sans doute. Mais à propos, il faut que je vous die un impromptu que je fis hier chez une duchesse de mes amies que je fus visiter ; car je suis diablement fort sur les impromptus.

Cathos

L’impromptu est justement la pierre de touche de l’esprit.

Mascarille

Écoutez donc.

Magdelon

Nous y sommes de toutes nos oreilles.

Mascarille

Oh ! oh ! je n’y prenois pas garde :
Tandis que, sans songer à mal, je vous regarde,
Votre œil en tapinois me dérobe mon cœur.
Au voleur ! au voleur ! au voleur ! au voleur !

Cathos

Ah ! mon Dieu ! voilà qui est poussé dans le dernier galant.

Mascarille

Tout ce que je fais a l’air cavalier ; cela ne sent point le pédant.

Magdelon

Il en est éloigné de plus de deux mille lieues.

  1. M. Aimé Martin regarde avec raison ce trait comme faisant allusion à Quinault et à mademoiselle Scudéry qui, dans leurs ouvrages, transformaient le Célodons les rudes héros de l'histoire ancienne