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DU THÉÂTRE EN FRANCE

la récompense. Il regardait avec les yeux de la foi, et cette puissance du drame sacré n’était pas un triomphe de l’art, mais un miracle de la croyance. »

III

Les vastes compositions dont nous venons de parler formaient ce qu’on pourrait appeler la grande pièce dans le Théâtre du moyen âge ; mais les genres accessoires étaient très-nombreux, et à partir du douzième siècle nous trouvons, comme œuvres dramatiques, spectacles ou jeux scéniques, des tragédies, des comédies, des jeux partis, des puys, des farces et moralités, des processions et fêtes dramatiques, des soties, des pastorales, des pantomimes.

Les tragédies du moyen âge n’ont guère, avec nos tragédies modernes, de commun que le nom, et de plus, elles sont fort rares. Nous citerons, parmi les auteurs tragiques, Arnoul Daniel, Anselme Faidit, Berenger Parasol, qui composa cinq tragédies sur la vie de Jeanne de Naples, sa contemporaine, tragédies dans lesquelles il n’y a aucune division de scènes ou d’actes, et Guillaume de Blois, auteur d’une tragédie de Flaura et Marco, qui paraît avoir été faite sur une courtisane célèbre du nom de Flore.

« Les moralités, dit avec raison M. Nisard, genre intermédiaire entre les mystères et les soties, contentaient le goût moins franc, mais non moins général auquel s’adresse aujourd’hui le drame. […] Les moralités, dont un grand nombre sont tirées de la vie des saints, participaient des mystères par le mélange de la religion, et des soties par des allusions satiriques[1]. »

On distingue deux genres de moralités, les unes mystiques et allégoriques, les autres politiques et satiriques. Dans les premières on voit figurer Dieu, les anges, les diables et une foule de personnifications bizarres, telles que Jeûne, Oraison, Honte de dire ses péchés, Désespérance de pardon, Vigile des morts, Limon de la terre, etc. Dans les secondes,

  1. Hist. de la littérature française, Paris, 1844, in-8o, t. II, p. 111.