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Sans que de cet Albert, ni de ce fils Horace,
Douze ans aient découvert jamais la moindre trace.
Voilà l’histoire en gros, redite seulement
Afin de vous servir ici de fondement.
Maintenant vous serez un marchand d’Arménie,
Qui les aurez vus sains l’un et l’autre en Turquie.
Si j’ai, plutôt qu’aucun, un tel moyen trouvé,
Pour les ressusciter sur ce qu’il a rêvé,
C’est qu’en fait d’aventure il est très ordinaire
De voir gens pris sur mer par quelque Turc corsaire,
Puis être à leur famille à point nommé rendus,
Après quinze ou vingt ans qu’on les a crus perdus.
Pour moi, j’ai vu déjà cent contes de la sorte.
Sans nous alambiquer, servons-nous-en ; qu’importe ?
Vous leur aurez ouï leur disgrâce conter,
Et leur aurez fourni de quoi se racheter ;
Mais que, parti plus tôt pour chose nécessaire,
Horace vous chargea de voir ici son père,
Dont il a su le sort, et chez qui vous devez
Attendre quelques jours qu’ils y soient arrivés.
Je vous ai fait tantôt des leçons étendues.

Lélie

Ces répétitions ne sont que superflues ;
Dès l’abord mon esprit a compris tout le fait.

Mascarille

Je m’en vais là dedans donner le premier trait.

Lélie

Ecoute, Mascarille, un seul point me chagrine.
S’il allait de son fils me demander la mine ?

Mascarille

Belle difficulté ! Devez-vous pas savoir
Qu’il était fort petit alors qu’il l’a pu voir ?
Et puis, outre cela, le temps et l’esclavage
Pourraient-ils pas avoir changé tout son visage ?

Lélie

Il est vrai. Mais dis-moi, s’il connaît qu’il m’a vu,
Que faire ?