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LE GUEUX DE MER

Tous les yeux se remplirent de larmes en voyant tomber l’homme dont la vie et la mort avaient été si héroïques. L’équipage, rangé autour du cadavre de son chef, oublia quelques moments les ennemis et le danger. Chacun eût voulu donner sa vie pour racheter celle de l’amiral : car Ewout Pietersen Worst avait été le père de ses marins.

Le prince d’Orange fut le premier qui prit la parole : — C’était un homme vertueux, dit-il ; ses dernières pensées ont été pour son pays. Puissions-nous tous tomber comme lui dans un jour de triomphe !

Guillaume était triste en prononçant ces mots ; un pressentiment funeste semblait l’avertir que le fer espagnol l’atteindrait, non pas sur un champ de bataille, mais au sein du repos, et presque dans les bras de son épouse.

Quand les matelots sortirent de la morne stupeur où les avait plongés la mort de l’amiral, par un mouvement unanime et spontané ils s’écrièrent tous ensemble : Vengeance ! vengeance pour Worst !

— Vengeance ! répéta d’une voix altérée le jeune lieutenant, auquel appartenait maintenant le commandement du flibot. Qu’on prépare une chaloupe et une chemise soufrée : je veux brûler l’amiral espagnol !

— Nous le brûlerons ! répéta tout l’équipage, et quand on eut porté l’artifice incendiaire et lancé une chaloupe à l’eau, il n’y eut pas un seul homme