Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
LE GUEUX DE MER

sans orgueil vous assurer, ma bonne dame, qu’on aurait peine à trouver dans tous les ports de la Zélande deux cents gaillards plus adroits et plus courageux que les matelots que le montent.

Un regard du lieutenant l’empêcha de poursuivre. Contraint de garder le silence, il se mit à siffler un air populaire que les mécontents avaient composé sur la prise de la Brille, et peu à peu ses cadences patriotiques parvinrent à dissiper sa mauvaise humeur.

— Mon lieutenant, dit-il au jeune homme après un assez long intervalle, comptez-vous conduire ces dames à notre bord ? Comme il achevait ces mots, on vit tourner les vergues du flibot qui étaient posées diagonalement, et le pavillon espagnol fut arboré au sommet du mât d’arrière.

— Pilote, répondit l’officier, voici le signal de rappel. J’aurais voulu déposer ces dames dans quelqu’une des chaloupes où se trouvent les magistrats de l’Écluse ; mais il ne nous est plus permis d’y songer. Puis, se tournant vers la douairière : J’ose espérer, madame, lui dit-il, que vous n’aurez aucune crainte de nous accompagner, notre devoir nous force à retourner à bord, mais je ne doute pas que notre chef ne mette aussitôt une chaloupe à votre disposition.

Nous avons trop d’obligation à votre générosité, répartit la baronne avec un sourire gracieux, pour ne pas mettre toute notre confiance en vous.