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LE GUEUX DE MER

de son adolescence ; quels souvenirs auraient pu maintenant empoisonner son bonheur ?

Aucune parole ne fut prononcée, un coup d’œil avait suffi pour apprendre à chacun d’eux ce qui se passait dans le cœur de l’autre, et, animés d’une généreuse confiance, ils ne cherchèrent point à justifier ni même à rappeler leur conduite passée ; ils ne songèrent qu’au moment heureux qui les réunissait.

Après un assez long silence, Louis de Winchestre, se rapprochant de la jeune fille, lui dit d’une voix tremblante : Permettez à un proscrit de vous demander si la colère du seigneur de Gruthuysen paraît encore implacable.

Marguerite eut besoin de rassembler toutes ses forces pour surmonter son émotion. — Le seigneur de Gruthuysen, répondit-elle en rougissant, a pardonné depuis longtemps à son petit-fils, et pleure chaque jour sa longue absence.

Une larme glissa sous la paupière du jeune homme, et, jetant un long regard sur la flotte espagnole qui s’approchait : Un jour encore, dit-il, seul jour à mon devoir ; demain j’embrasserai genoux de mon aïeul.

Marguerite ne répondit pas, mais elle jeta regard sur l’anneau qu’elle portait au doigt et que amant lui avait autrefois donné comme un gage son attachement éternel.

Cependant la baronne de Berghes, fatiguée de maudire des gens qui ne pouvaient l’entendre, avait