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LE GUEUX DE MER

nouillée devant le vainqueur, couvrait ses mains de baisers et de larmes, le nommant son ange gardien et son saint patron ; car elle croyait fermement qu’il avait fallu un miracle pour sauver sa nièce. Mais quelle fut sa surprise et presque sa terreur lorsque, levant les yeux sur cet être surnaturel, elle reconnut le marin dont les discours hardis avaient causé tant de scandale chez le bourgmestre ! Elle pâlit, recula et murmura… Un gueux de mer !

— Mais non, reprit-elle après un moment, on vous avait calomnié, brave jeune homme ; vous devez être bon catholique et fidèle royaliste, car vous avez montré du courage et de l’humanité. Quel bonheur que vous avez échappé à don Sandoval !

— Echappé ! répéta le jeune homme en rougissant ; je ne crois pas avoir jamais évité personne, et si don Sandoval m’eût suivi, nous aurions mesuré nos épées…

À cette voix Marguerite releva la tête, et par un mouvement involontaire, étendant ses bras vers celui qui l’avait sauvée, elle laissa échapper de ses lèvres le nom de Louis de Winchestre.

L’officier l’entendit, mais il ne montra aucune émotion : son regard était sévère et dédaigneux, et la jeune fille se sentit plus malheureuse dans ce moment que lorsqu’elle était au pouvoir de ses farouches ravisseurs. Elle retomba sur le sable, et sa tante, se jetant dans ses bras, la trouva inanimée.

Cependant le pilote accourait à toutes jambes : — Des voiles, criait-il, des voiles ennemies ! j’aperçois