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LE GUEUX DE MER

épaisses, ses épaules carrées, son cou musculeux annonçaient une force peu commune, et ses traits mâles, son teint cuivré, son regard perçant révélaient l’énergie de son caractère. Son compagnon était à la fleur de l’âge. Son costume simple faisait ressortir l’élégance de sa taille et l’heureuse harmonie de ses proportions. La blancheur de son teint eût pu paraître singulière chez un matelot, toujours exposé aux rayons du soleil et au souffle des vents ; mais la noblesse de sa figure s’accordait mal avec ses habits de pêcheur et la fierté de son regard trahissait l’habitude du commandement.

Déjà le soleil avait parcouru près du tiers de sa course, et depuis quatre heures les deux marins s’occupaient à reconnaître les parages dans lesquels ils naviguaient, quand tout à coup celui qui ramait, laissant échapper ses rames, se baissa et saisit un gros mousquet posé au fond de la chaloupe.

— Eh bien ! pilote, s’écria d’un ton impérieux le jeune homme qui se tenait debout à l’arrière du canot, pourquoi nous arrêtons-nous ?

Le vieux marin étendit le bras vers le rivage, et, montrant du doigt un homme qui se tenait près du bord : Mon lieutenant, dit-il, c’est un soldat espagnol.

— Que nous importe ! répliqua l’officier en haussant les épaules.

La surprise se peignit sur la figure basanée du rameur ; cependant il ne lâcha point le mousquet qu’il tenait de la main gauche, il ne détourna point ses