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LE GUEUX DE MER

entre les mains d’un être sans honneur, dont elle avait pénétré la fourberie, l’avarice et la lâcheté. Elle le connaissait déjà assez pour savoir que le mépris et l’horreur quelle éprouvait pour lui ne l’empêcheraient point d’en vouloir faire son épouse, car l’immense fortune dont elle devait jouir avait cent fois plus d’attraits pour cet homme avide que les charmes et les vertus de la jeune comtesse.

Vainement la douairière, qui s’était relevée avec l’ardeur et l’énergie d’une mère, poursuivait-elle les ravisseurs de ses offres, de ses prières et de ses malédictions ; les féroces soldats la repoussaient brutalement, riaient de ses larmes et ne lui répondaient que par les plus cruelles injures. Témoin de son désespoir, Marguerite souffrait plus de la douleur de cette bonne parente que de ses propres douleurs.

Faible et mourante, elle promenait ses regards autour d’elle, cherchant à découvrir quelque compatriote qui la secourût ; elle savait que les habitants de la côte cachaient sous un extérieur grossier un caractère loyal et généreux : mais aucun être vivant n’apparaissait sur le rivage. D’un côté s’étendait une chaîne de dunes arides, désertes et nues, et de l’autre côté mugissait l’immense Océan. Elle ne voyait que des flots et du sable, elle n’entendait que le bruit des vagues et le cri plaintif des oiseaux marins.

Une grosse lame, semblable à une montagne d’eau, s’approchait en écumant : elle s’élève, reste un moment suspendue, retombe enfin, et, s’entr’ouvrant avec fracas, laisse apercevoir une petite barque montée