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LE GUEUX DE MER

nâtres, où ne croissaient que quelques tiges de genêt. Ce fut là que la baronne se fit conduire. Elle descendit de voiture au pied des dunes, les traversa, et, sous l’escorte seulement d’un vieux domestique, elle s’avança avec sa nièce jusqu’à l’endroit où les flots venaient mourir.

Là elles virent se déployer sur une mer calme et unie l’immense flotte du gouverneur. Plus de cinquante vaisseaux s’avançaient en bon ordre vers l’embouchure du bras de mer qui conduit à l’Écluse. Leurs voiles blanchâtres, aperçues de loin, ressemblaient à une troupe de grands oiseaux de mer, déployant leurs ailes majestueuses. Le ciel était pur, le vent favorable, et tout semblait s’unir pour rendre plus brillante l’arrivée de celui auquel était maintenant confié le sort de la Belgique.

Pendant que les deux dames contemplaient avec admiration ce spectacle imposant, une dizaine de soldats espagnols s’approchaient sans bruit. Marguerite les remarqua la première et frémit en reconnaissant leur uniforme, mais la baronne n’en fit que rire. En vérité, ma nièce, dit-elle, vous ressemblez à ces pauvres enfants que nous avons rencontrés hier sur la route de Bruges ; la vue d’un soldat vous effraie, quoique ces braves gens ne soient armés que pour nous protéger, et je crois que votre propre père vous ferait peur, vêtu de son uniforme. La jeune comtesse ne répondit point. Toute son attention était fixée sur les soldats, dont l’air menaçant et les regards sinistres lui faisaient trop pressentir les mauvaises intentions.