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LE GUEUX DE MER

L’officier triomphait : il était enfin parvenu à intéresser la belle Marguerite, et ne doutait point qu’il ne lui inspirât bientôt une vive admiration. Frappant donc avec force sur le pommeau de son sabre, il reprit d’un air expressif : ne craignez pas, mesdames, de rencontrer désormais ce jeune imprudent ; il n’insultera plus personne…

— Vous l’avez tué ! s’écrièrent à la fois la douairière et sa nièce ; l’une d’un air satisfait, l’autre tremblante et glacée de frayeur.

Don Sandoval ne répondit que par un geste affirmatif, mais l’expression de sa figure le trahit : Marguerite lut dans ses regards la fausseté de son assertion ; elle se rassura, et sourit du sourire de l’incrédulité et du mépris.

La vanité de l’Espagnol fit qu’il se trompa sur le sens de ce sourire. Ainsi périsse, s’écria-t-il avec emphase, quiconque refuse obéissance à notre invincible souverain ! Ainsi meurent sans confession, et gisent sans sépulture, tous ces misérables Flamands qui ont bravé les forces de l’Espagne ! Que leurs cadavres soient la proie des oiseaux et des chiens ! que leur mémoire soit flétrie et leur écusson brisé !

La jeune fille ne put retenir un mouvement d’indignation. Madame, dit-elle à sa tante, de tels discours peuvent vous plaire ; mais je ne crois pas que vous vouliez condamner la fille d’un officier flamand à les entendre. Permettez donc que je me retire…