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inconnus. Celui-ci, de son côté, avait une idée confuse du gouverneur, quoiqu’il ne pût se rappeler où et quand ils s’étaient rencontrés ; mais dès qu’ils se furent approchés l’un de l’autre un cri échappa à tous les deux à la fois : comte de Waldeghem ! comte de Bossu ! et ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, comme d’anciens compagnons d’armes qui se retrouvent après une longue séparation ; car ils avaient combattu ensemble à Saint-Quentin et à Gravelines.

Après le premier mouvement de surprise et de joie, le gouverneur conduisit son vieil ami et les deux dames dans sa chambre, et là il exigea le récit fidèle des événements qui les avaient placés dans une position si extraordinaire. Le vieillard le satisfit en peu de mots, et à son tour il lui demanda quelle était la destination de cette belle flotte, et quels ennemis elle allait combattre.

— Des pêcheurs, répondit le comte de Bossu en soupirant, de pauvres pêcheurs sans artillerie et presque sans armes, mais animés d’un courage héroïque, et qui se feraient tous massacrer plutôt que d’amener leur humble pavillon. Dieu m’est témoin que c’est à regret que je vais verser leur sang ; ce sera une lutte sans gloire, et pourtant non pas sans danger, car ces braves Hollandais se défendent comme des lions : mais que faire ? Le Roi a reçu mes serments, il m’a confié sa flotte et ses troupes ; puis-je abandonner sa cause, et me parjurer comme un vil apostat ?