Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tagé son asile ; tout ce qu’avait souffert la fille infortunée de l’alguazil, la noble Marguerite allait le souffrir.

Jamais les dangers les plus terribles, les revers les plus imprévus n’avaient fait perdre à Louis de Winchestre la force et le sang-froid d’une âme supérieure ; mais à cette affreuse idée sa raison parut l’abandonner. Il se laissa tomber sur un fauteuil, tremblant de colère et respirant à peine, et, quand il se leva un moment après, ses mains, par un mouvement involontaire, avaient rompu les bras du vieux siège.

En deux bonds il fut au bas de l’escalier ; un officier passait, monté sur un excellent genêt d’Espagne. — Ton cheval ! lui dit le marin en frémissant, donne-moi ton cheval. L’Espagnol, surpris, crut avoir affaire à un fou et voulut donner de l’éperon ; mais d’une main le Flamand saisit les rênes du coursier, et de l’autre il jeta le militaire au milieu de la rue, puis s’élançant lui-même en selle, il s’éloigna au galop.

Le bon cheval, vivement éperonné, allait comme le vent ; bientôt Louis de Winchestre arriva en vue de son flibot ; — Le capitaine ! s’écrient les matelots ; une chaloupe pour le capitaine ! mais lui, dans son impatience, s’est déjà jeté à la nage : il fend les ondes d’un bras robuste et d’un mouvement rapide il atteint enfin son navire.

— Au large ! crie-t-il, au large ! il faut rejoindre le bâtiment espagnol que nous avons laissé échapper ce matin : il y va de ma vie !