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guerite ! murmura le vieillard en tremblant : Louis de Winchestre, sans répondre, enfonça les deux éperons dans les flancs de son coursier, car son œil perçant avait reconnu sa bien-aimée.

Un moment suffit pour disperser les soldats, et avant presque que Marguerite eût pu espérer sa délivrance elle était dans les bras de son père, et elle voyait son amant secourir la baronne de Berghes, qui était à moitié morte de frayeur.

C’était par une nuit sombre et froide, sur un champ de carnage, à la lueur effrayante d’un incendie, que se rejoignaient enfin le père et la fille, la sœur et le frère, l’amante et l’amant. La surprise, la joie, l’épouvante et l’horreur les agitaient tour à tour, ils ne prononçaient que des paroles entrecoupées et s’embrassaient en pleurant.

Marguerite fut la première qui parût retrouver la mémoire et la présence d’esprit : — Le mulâtre ! dit-elle, secourez le mulâtre ! il nous a sauvées au prix de sa vie.

Ces mots furent un trait du lumière pour le jeune Belge. Il n’avait vu que deux fois don Alonzo, mais il l’avait bien jugé, et il ne fut pas surpris d’apprendre sa conduite généreuse. Guidé par son amante, il courut à l’endroit où le mulâtre était tombé.

Il était couché sur le dos, couvert de blessures et sans mouvement, mais tenant encore de la main droite l’arme avec laquelle il avait défendu les deux dames.

Marguerite et Louis de Winchestre s’agenouillè-