Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voix basse, mais avec un accent énergique, qui fit frémir Louis de Winchestre : — Il est bien mort ! — Cet homme c’était le Roi.

Il regagna sa tribune à pas lents, et, passant devant le jeune Belge, il parut frappé d’étonnement à sa vue, quoiqu’un voile noir lui dérobât entièrement ses traits. Mais Louis de Winchestre ne témoigna pas la moindre émotion, et le cruel monarque passa outre.

Les juges se consultaient tout bas : après une courte délibération le grand-inquisiteur prononça la sentence : — Il était coupable, dit-il, puisque Dieu l’a abandonné : coupable d’hérésie et de sacrilège, pour avoir révélé une fausse vision ; coupable de magie et de pacte avec le diable, puisqu’il a souffert la torture sans se plaindre, ce qui ne peut provenir que de maléfice. Qu’on laisse pourrir son cadavre ! et que ses os soient ensuite recueillis pour être brûlés !

On emporta le corps encore roide et gonflé du franciscain, et un autre accusé fut introduit.

C’était un vieillard d’une haute taille, et dont les larges épaules et les membres bien proportionnés annonçaient l’antique vigueur : cependant les souffrances l’avaient tellement épuisé qu’il était contraint de s’appuyer sur ceux qui le gardaient. Il avait les vêtements uniformes des captifs de l’inquisition, ses cheveux et sa barbe était complètement rasés : ses cicatrices seules le faisaient reconnaître pour un ancien militaire. Quoique infirme, il avait un air fier et