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— Le Roi ! répéta le dominicain en pâlissant, et cette coquine qui m’a égratigné toute la figure ! Vite ! cher Ignatio, vite ! votre merveilleux onguent !

— L’alguazil, avec un sang-froid admirable, tira d’une armoire une boîte qui contenait différentes drogues : il en étendit un peu sur un morceau de taffetas couleur de chair, qu’il coupa ensuite par bandes ; puis il les appliqua fort adroitement sur les cicatrices du moine qui, tout entier à ses inquiétudes, ne songeait déjà plus à la belle fugitive, et s’apercevait à peine qu’il y eût des gens dans la cellule.

Quand il fut convenablement pansé, il jeta les yeux autour de lui et demanda au familier : — Qui donc avez-vous ici, don Ignatio ?

— Très saint père, ce sont de mes cousins qui aspirent à l’honneur de remplir le poste où votre gracieuse intercession m’a élevé.

— Bien ! fort bien ! je vois que vous êtes d’une famille de vieux chrétiens. Dieu vous garde, mes enfants ; adieu, don Ignatio !

— Mon bon père, reprit l’alguazil en s’agenouillant, votre bénédiction !

Le moine étendit sa main coupable, et ne craignit pas, souillé de crimes comme il l’était, d’invoquer le nom de Dieu et d’appeler la faveur céleste sur la tête du familier.

Louis de Winchestre et Dirk Dirkensen détournaient les yeux avec horreur ; heureusement le dominicain ne prit pas garde à eux.

Quand il fut parti, don Ignatio se releva et, pous-