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LE GUEUX DE MER

tant de leur hésitation il se retira à pas lents, sans que personne songeât à l’en empêcher.

Ce fut en vain que l’on voulut ensuite le poursuivre, on ne put découvrir ses traces, soit que le hasard l’eût favorisé, soit que ceux qui s’étaient élancés après lui craignissent de le rejoindre.

Le bourgmestre, auquel on demanda le nom et le rang de cet inconnu, ne sut que répondre : le prenant pour un officier de la flottille royaliste qui mouillait à l’embouchure de l’Escaut, il l’avait accueilli sans le questionner ; car comment le premier magistrat de la ville de l’Écluse eût-il soupçonné qu’un rebelle osât s’introduire dans sa maison ?

Marguerite, qui mieux que toute autre personne eût pu satisfaire la curiosité de l’assemblée, n’avait garde de trahir celui qu’elle aimait. Pour la baronne de Berghes, elle n’avait vu Louis de Winchestre que dans son enfance, et telle était d’ailleurs l’opinion qu’elle avait des seigneurs de Gruthuysen, que jamais la ressemblance la plus frappante n’eût pu lui faire soupçonner qu’un rejeton de cette illustre famille fût caché sous l’habit d’un marin.

Il fallut donc se contenter des conjectures plus ou moins probables auxquelles ses discours pouvaient donner lieu. Les uns ne virent en lui qu’un Belge ami de son pays, et choqué de l’orgueil et de la férocité des militaires espagnols ; d’autres pensèrent que c’était un de ces mécontents qui, sans lever ouvertement l’étendard de la révolte, redoutaient plus les rigueurs de la tyrannie que les désordres d’une